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La désinvolture est une bien belle chose, Philippe Jaenada

  • Genovefa
  • 17 mai
  • 3 min de lecture


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Pourquoi Jacqueline Harispe, dite Kaki, vingt ans, ex-mannequin chez Dior, amoureuse d’un soldat américain, s’est-elle suicidée, le 28 novembre 1953, en se jetant par la fenêtre de sa chambre du troisième étage d’un hôtel parisien miteux ?


Passionné par ce fait divers, l’auteur se livre à une minutieuse et passionnante enquête en décrivant la jeunesse désœuvrée et marginale d’après-guerre qui fréquente les bistrots de Saint-Germain-des-Prés, notamment le café « Chez Moineau ». Le roman de Patrick Modiano « Dans le café de la jeunesse perdue » se déroule en bonne partie dans ce bar minuscule et sans fenêtres de la rue du Four.


Ces « Moineaux », comme on les appelle, sont des adolescents repliés sur eux-mêmes, sans parents ou sans domicile, sans avenir, dont la principale activité est… l’inactivité, à part consommer du vin pas cher et des drogues dures.  « On était utiles à personne, mais on était là, on nous payait à boire et à manger. Les gens qui travaillaient, j’avais vaguement entendu parler… », dira l’un d’eux.


Fille d’une prostituée alcoolique morte à trente-cinq ans et d’un collabo, Kaki, orpheline, est une habituée de ce café. C’est une très belle femme qui grille cigarette sur cigarette en oubliant de manger et qui couche uniquement avec ceux qui ne l’aiment pas. Jusqu’au jour où elle tombe amoureuse de Boris, un beau GI qui l’a initiée à l’héroïne. Était-elle droguée ou en manque quand elle a enjambé le rebord de la fenêtre de l’hôtel Mistral et que Boris a tenté de la sauver en l’attrapant par sa culotte, qui lui est restée dans les mains ? Nul ne le sait.


Philippe Jaenada cherche, creuse, fouille, se documente (un véritable travail de fourmi) pour essayer de comprendre - qu’est-ce qui a tué Kaki ? Qui étaient les Moineaux ? D’où venaient-ils ? Où sont-ils allés ensuite ? -, tout en faisant le tour de France par les bords (de mer), en voiture (Dunkerque, Veules-les-Roses, Cherbourg, Dinard…). 


Comme à son habitude, il émaille son récit d’anecdotes autobiographiques, de parenthèses humoristiques (surtout dans les passages les plus tragiques) et de jeux de mots. Entre deux biographies de Moineaux plus ou moins proches de Kaki, il rapporte les conversations des clients des bistrots de chaque ville qu’il traverse parce que c’est au comptoir des troquets qu’il se sent le mieux.


On retrouve le style unique et reconnaissable entre tous de Philippe Jaenada (j’ai lu avec bonheur la plupart de ses livres) mais dans ce roman-enquête de 475 pages, on se perd un peu dans ses digressions à foison et ses phrases interminables ponctuées de tirets et de parenthèses (qui sont certes sa marque de fabrique) et on finit par se noyer dans les détails, même s’il a promis à son éditeur de ne pas raconter la vie de tout le monde, et qu’il le fait quand même. Avec talent, certes, mais je l’ai abandonné à la terrasse d’un bar de Menton où il sirote un whisky à côté d’une femme magnifique de quatre-vingts ans qui pourrait être une ancienne actrice de la grande époque de Hollywood.


Mialet-Barrault Editeurs, 2024


A propos de l’auteur


Après avoir écrit des romans autobiographiques, Philippe Jaenada se tourne vers le fait divers. Il est notamment l’auteur de « Sulak » (l’histoire du célèbre braqueur Bruno Sulak), « La petite femelle » (livre consacré à Pauline Dubuisson, jugée pour le meurtre de son ex-petit ami), «La Serpe » (inspiré du triple assassinat du château d’Escoire), Prix Femina 2017, « Au printemps des monstres » (l’affaire Lucien Léger) et « Sans preuve et sans aveu » (la condamnation d’Alain Laprie).

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